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AG Unaf des 17 et 18 juin 2023 : allocution de la Présidente de l’Unaf : « pour la construction d’une politique publique conforme à l’intérêt des familles et des personnes vulnérables »

Les 17 et 18 juin 2023, l'Unaf a tenu son Assemblée générale à Angers en présence en matinée du samedi du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes Handicapées, Jean-Christophe Combe. Dans son allocution, la Présidente de l'Unaf, Marie-Andrée Blanc, a, en présence de celui-ci, rappelé les préoccupations majeures du quotidien des familles et remercié l'ensemble des bénévoles et salariés, membres de l'Institution qui se mobilisent chaque jour et partout en métropole et en Outre-mer.

AG Unaf 2023 allocution de la présidente de l'Unaf Marie-Andrée Blanc

Assemblée Générale de l’Unaf à ANGERS

Discours de Marie-Andrée BLANC

Présidente de l’Unaf

Samedi 17 juin 2023

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Préfet,

Mesdames les députées,

Monsieur le Maire d’Angers,

Mesdames et messieurs les élus,

Mes chers amis,

Tout d’abord merci, cher Jean-Christophe Combe, pour votre présence à l’Assemblée générale annuelle de l’Unaf qui est toujours un moment important dans la vie de notre institution.

Depuis votre nomination, nous avons eu de nombreuses occasions de rencontres :  lors de vos déplacements dans les territoires, à votre ministère, mais aussi à l’Unaf, où vous vous êtes rendu pour échanger avec les mouvements familiaux sur l’accueil de la petite enfance.

Je tiens également à saluer la qualité des relations de l’Unaf avec les membres de votre Cabinet et leur grande disponibilité à notre égard.

Vous avez face à vous des bénévoles et des professionnels de notre grand réseau. Composé de l’Unaf, des Udaf, des Uraf, il regroupe 72 mouvements familiaux nationaux, 6 000 associations familiales, et plus de 500 000 familles adhérentes.

Le pluralisme de notre institution, la diversité des services apportés aux familles et aux personnes vulnérables, la proximité de notre réseau avec le terrain, sa connaissance des réalités de vie : tous ces ingrédients nous permettent de relayer les attentes de nos concitoyens et de contribuer à la construction de solutions.

La première préoccupation du quotidien des familles est celle de leur pouvoir d’achat.

Elle tient à la vague d’inflation d’une ampleur inédite depuis plusieurs décennies.

L’inflation subie par les familles avec enfants est bien supérieure à l’inflation moyenne. L’alimentation représente plus de la moitié de l’augmentation des coûts. En raison du poids des dépenses alimentaires, il est difficile pour des parents d’arbitrer. Plus on a d’enfants, plus on subit la hausse des prix à la consommation.

Notre outil d’expertise – les budgets-types de l’Unaf – donnent la mesure de l’impact de l’inflation selon la composition des familles. En avril 2023, un couple avec 1 enfant avait besoin pour vivre décemment de 224 € de plus par mois, par rapport à 2022 , et de 345 € de plus par mois comparé à 2021. Pour une famille de 4 enfants, le besoin était encore plus fort : 370  €/mois par rapport à 2022 et 572 €/mois par rapport à 2021.

Nous pouvons aussi identifier les effets de cette inflation, grâce aux témoignages des familles, et par l’intermédiaire des services de notre réseau. Je pense à ceux qui font de l’accompagnement budgétaire, de l’accompagnement social lié au logement, qui gèrent les prestations familiales qui leur sont délégués, ou encore qui exercent des mesures de protection juridique des majeurs.

Ils sont en première ligne pour aider les ménages à s’en sortir.

Le président du collectif ALERTE, présent aujourd’hui, peut témoigner de nos convergences de vue sur les difficultés vécues par les familles avec enfants, notamment pour les plus modestes d’entre-elles.

En réponse, l’an dernier, le gouvernement avait revalorisé les prestations familiales de manière anticipée au mois de juillet, sans attendre l’échéance d’avril de l’année suivante fixée par la loi.

Afin de tenir compte de la flambée des prix qui persiste, nous demandons qu’une revalorisation exceptionnelle des prestations familiales intervienne à nouveau cet été, ou à la rentrée.

Au-delà de ces mesures ponctuelles, nous appelons le gouvernement à intervenir sur les prestations familiales qui n’ont cessé ces dernières années, d’être amputées, avec des pertes pour les familles jamais compensées.

Dans un contexte où les salaires progressent plus vite – sans toutefois rattraper l’inflation – le niveau insuffisant des plafonds de ressources évince du bénéfice des prestations familiales une proportion toujours plus importante de familles. Certaines font partie des « classes moyennes » pour lesquelles le ministre du budget, Gabriel ATTAL, a annoncé « bâtir un plan Marshall » pour leur permettre de « mieux vivre » de leur travail.

Pour l’Unaf, une réponse concrète consiste à revaloriser les plafonds de ressources des prestations, à prévoir des clauses d’indexation adéquates, et à augmenter leurs montants.

En lien direct avec l’emploi, l’allocation de base de la PAJE est destinée aux parents de jeunes enfants souhaitant faire garder leur enfant. Elle doit être réformée et simplifiée.  

Le logement est au cœur des questions de pouvoir d’achat. C’est la première dépense familiale.

Alors que la Première Ministre a reconnu que « la part du logement dans le budget des ménages n’a cessé d’augmenter ces 20 dernières années », les mesures issues du CNR logement ne sont pas à la hauteur des enjeux. Elles restent trop limitées pour le logement social comme pour le logement intermédiaire.

Un grand nombre de familles souhaitent devenir propriétaires. Depuis 2018, nous alertons sur les effets négatifs de la suppression de l’APL accession et du durcissement des règles des prêts immobiliers. Ils ont contribué à tendre la situation. Cette tension va s’aggraver avec l’annonce de recentrer le prêt à taux zéro pour en réduire le nombre de bénéficiaires, écartant ainsi la possibilité pour des familles modestes d’accéder à la propriété.

Derrière le blocage de l’accession, c’est toute la chaine du logement qui se trouve fragilisée avec le manque de logements sociaux et la crise du locatif.

Nous attendons du gouvernement qu’il adopte des mesures permettant de faire face à la gravité de la situation du logement, dont les familles sont les premières victimes.

La préoccupation des familles est aussi de pouvoir concrétiser leurs projets d’avenir et de concilier leur rôle de parent avec leur emploi.

De nombreux couples aspirent à accueillir la naissance d’un enfant. Ce désir malheureusement peut être contrarié pour des raisons économiques ou professionnelles, ou par manque de confiance dans l’avenir.

Le débat récent autour des retraites a mis en avant une question malheureusement souvent ignorée ou jugée tabou : celle de la démographie, et son lien avec l’équilibre de nos régimes sociaux. Notre modèle social par répartition et son financement reposent sur le dynamisme de la démographie.  

Comment continuer à nier la gravité de la situation ? Le mois d’avril 2023 a vu le plus faible nombre de naissances en France depuis 1943 avec une population bien moindre. Alors que les Français souhaitent davantage d’enfants, la baisse continue de la fécondité traduit un changement de fonds.

Dans les territoires, moins d’enfants et de jeunes, entraîne des fermetures de classes et de commerces. Nous voyons aussi se profiler le risque de pénuries aggravées de main d’œuvre.

Les décennies récentes montrent une « coïncidence troublante » entre les décisions de politique familiale et la possibilité pour les ménages de réaliser leur désir d’enfants. Je ne prendrai que deux exemples historiques frappants :

Il n’existe pas de « formule magique » pour favoriser la démographie qui dépend de nombreux paramètres, mais il n’y a pas non plus de fatalité.

Personne ne s’est véritablement penché sur les causes de cette rupture. Pour essayer d’en savoir plus, notre prochaine enquête des observatoires des familles portera sur les ressorts et les freins du désir d’enfants. J’invite le plus grand nombre d’Unions à y participer.

Nous souhaitons, disposer des résultats en fin d’année afin d’enrichir les travaux de la prochaine conférence des familles que vous avez annoncé consacrer, Monsieur le Ministre, au thème de la démographie.

Concrètement, les financements de la branche Famille doivent rester consacrés à la politique familiale. Face à la baisse des naissances qui génère de moindres dépenses, et donc des excédents, la tentation peut être grande de transférer à sa charge des dépenses provenant d’autres branches. Ainsi, plus de 2 Milliards d’euros de dépenses ont été transférés de la branche maladie à la branche famille, au titre du congé maternité post-natal. La Cour des comptes propose maintenant de lui transférer le financement du congé pré-natal – qui est pourtant un arrêt de travail à motivation purement médicale.

Ces opérations comptables de court terme affaiblissent les marges de manœuvre pour l’avenir, et ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Le gouvernement porte un projet ambitieux de politique familiale que nous avons appelé de nos vœux : celui de créer un service public de la petite enfance, une garantie d’accueil pour les parents. Il justifie la mobilisation de moyens importants.

Le projet de loi « plein emploi » qui va prochainement venir en discussion au Sénat, en pose la première brique, en prévoyant l’adoption d’une stratégie nationale pour la petite enfance et l’attribution au bloc communal d’un rôle d’autorité organisatrice.

Le lien entre politique familiale et emploi, correspond à la vision de l’Unaf qui s’attache depuis des années à demander une amélioration de la conciliation vie familiale – vie professionnelle.

Nous avons entendu les annonces fortes de la Première Ministre, ici même à Angers le 1er juin dernier – j’y étais – en vue d’un plan d’ensemble que vous êtes chargé de mettre en œuvre.

Elles constituent une première étape qui devra être ajustée et complétée, des interrogations demeurant encore sur le caractère effectif de ce nouveau service public :

Enfin, le plan du gouvernement ne saurait faire l’impasse sur le congé parental. Il fait pleinement partie de l’objectif d’offrir une garantie de solutions pour les parents. Ce congé doit être bien mieux indemnisé. Tous les rapports convergent sur son utilité durant la première année de vie de l’enfant.  Il correspond à une forte attente des parents et à une obligation européenne que la France ne respecte toujours pas. Vous avez, vous-même, exprimé une ouverture favorable sur ce sujet. Elle doit se traduire dans le prochain PLFSS 2024.

La prochaine COG Etat – CNAF qui est le support privilégié de ce Service public de la petite enfance, doit aussi inclure d’autres axes importants pour les familles :

Enfin, la question de la délivrance des prestations est un enjeu majeur pour l’accès aux droits : notre réseau peut en témoigner car il accompagne des familles et des personnes vulnérables qui dépendent fortement des prestations délivrées par les CAF. Nous savons, que vous travaillez activement sur le dossier de la solidarité à la source qui devrait permettre de réduire le non-recours : nous sommes prêts à y contribuer.

Vous souhaitez la signature rapide de la prochaine COG Etat-CNAF – un objectif que nous partageons. Lorsque nous disposerons d’éléments plus précis sur les engagements et les financements, nous pourrons prendre position au sein du conseil d’administration de la CNAF.

J’évoquais à l’instant la parentalité, et nous savons combien elle est reliée aux problématiques du numérique.

Les drames récents avec les suicides de plusieurs enfants, liés à des faits de harcèlement, et amplifiés par le recours aux réseaux sociaux, exige une prise de conscience plus forte. Certes, l’école a une responsabilité ainsi que les acteurs du numérique, mais il faut aussi évoquer le rôle des parents. Je salue l’action de certaines Udaf qui proposent un soutien auprès des familles confrontées au harcèlement, en tant que victimes ou en tant qu’harceleurs, notamment pour permettre à l’enfant et à la famille de se reconstruire.

Plus généralement, l’accès à des contenus inadaptés, violents, choquants, peut avoir des effets dévastateurs sur les enfants.

Nous sommes pleinement engagés sur la protection des mineurs en ligne, en particulier pour interdire leur accès à la pornographie. Depuis plus de 2 ans, nous agissons avec nos partenaires pour que l’ARCOM bloque les sites qui transgressent la Loi. Si nous sommes toujours dans l’attente d’une décision de justice, nous sommes satisfaits que nos alertes aient conduit le gouvernement à réagir.

Le projet de loiprésenté par le ministre Jean-Noël BARROT donnera plus de pouvoir à l’ARCOM qui pourra demander le blocage de ces sites et prendre des sanctions financières. Afin de s’attaquer aux « chef de meutes » et d’en finir avec le sentiment d’impunité, les personnes condamnées pour cyberharcèlement pourront être bannies des réseaux sociaux. Une majorité numérique serait mise en place à 15 ans afin d’éviter que les enfants soient plongés trop tôt dans le bain des réseaux sociaux et sans accompagnement.

Plusieurs textes de lois sont en cours de discussion mais face à ce foisonnement législatif, nous alertons sur le retard pris dans leur application par décrets.

Ainsi les dispositions du RGPD pour les mineurs de 15 ans ne sont toujours pas appliqués. Quant à la loi sur le contrôle parental voté en mars 2022, elle ne rentrera en application – si tout va bien – qu’au 1er semestre 2024 !

Au-delà des textes, la mobilisation des parents et des professionnels est essentielle afin qu’ils puissent mieux accompagner, encadrer et sécuriser les pratiques numériques des enfants.

Dans cette perspective, nous venons de lancer le label « P@rents, parlons Numérique » dont le pilotage nous a été confié par votre ministère, dans le cadre de notre convention pluriannuelle. Notre réseau est en première ligne.La très grande majorité des Udaf, et des associations familiales sont impliquées dans le champ de la parentalité numérique.

Ce dispositif fait l’objet d’un partenariat étroit avec la Cnaf, un comité d’experts ainsi que 3 ministères : celui des solidarités, de la transition numérique et celui de l’enfance. Nous avançons tous efficacement dans sa mise en place.

Nous avons réuni les Caf et les Udaf dans le cadre d’un webinaire organisé avec la DGCS et la Cnaf.  C’était une première ! Au niveau départemental, il est prévu de mettre en place un comité de labellisation impliquant les Caf, les Udaf et des acteurs locaux, afin de faire vivre le dispositif. Pour « embarquer » d’autres têtes de réseau (mouvements familiaux, parents d’élèves, éducation populaire, centres sociaux …) un webinaire est prévu la semaine prochaine.

Vous l’aurez compris, ce label n’est pas un gadget. Notre ambition est de rendre plus visible les actions de parentalité numérique sur le territoire afin de mobiliser le plus grand nombre de parents, mais aussi de s’assurer de la fiabilité et de la qualité des messages qui leur seront transmis.

Enfin, la préoccupation des familles est de faire face à la perte d’autonomie de leurs proches.

Vous portez ce dossier considérable lié au vieillissement ou au handicap, qui fait appel aux solidarités familiales, ou à des tiers lorsque ces dernières ne suffisent pas.

Nous avons contribué à la proposition de loi pour bâtir une société du « Bien vieillir » dont la discussion doit se poursuivre à l’Assemblée, sur le soutien à renforcer auprès des aidants familiaux, mais aussi sur la Protection juridique des majeurs confiée à votre ministèreen lien avec le Garde des Sceaux.

L’Unaf se mobilise depuis longtemps pour la reconnaissance de cette politique publique et des professionnels qui la mettent en œuvre auprès d’un million de personnes vulnérables. Nous avons fait réaliser avec l’interfédération une étude d’impact qui démontre toute son utilité et ses gains pour la collectivité. Notre participation active aux travaux menés sur l’éthique, sur l’information et le soutien aux tuteurs familiaux, sur le métier et la formation, en sont aussi la preuve.

Dans le cadre des Etats Généraux des Maltraitances, nous saluons la mission confiée à Anne CARON DEGLISE. Ses travaux permettent de s’entourer d’une compétence reconnue par tous. Nous sommes aussi régulièrement en contact avec la DGCS – dont nous saluons la présence à cette Assemblée Générale.

Le manque d’attractivité du métier de mandataire, passe notamment par la question salariale et le déroulement des carrières. L’Unaf a obtenu de l’Etat, l’intégration des délégués-mandataires, des délégués aux prestations familiales et de leurs cadres, dans la revalorisation salariale issue de l’extension du Ségur. Les professionnels de l’Information et soutien aux tuteurs familiaux ainsi que les conseillers dans les Points Conseils Budgets viennent également d’être inclus dans la revalorisation, grâce à l’action de l’Unaf.

Nous attendons de l’Etat qu’il facilite l’élaboration, tant attendue, d’une convention collective unique et qu’il accompagne financièrement son application.

Pour les mandataires, nous souscrivons pleinement à la création d’une obligation de formation continue prévue dans la loi. En revanche, nous restons très réservés sur la décision de l’Etat de créer une licence professionnelle. Pour nous, ce métier nécessite un niveau de formation plus élevé.

Avec le transfert de la formation vers les universités, nous demeurons inquiets sur leur capacité à satisfaire les besoins de recrutements, dans un contexte déjà très tendu. Nous avons été partiellement entendus puisqu’il est prévu de faire coexister le CNC avec la nouvelle licence durant 3 ans, entre fin 2024 et fin 2027.

Autre sujet de préoccupation :  l’absence totale de régulation dans les territoires entre les modes d’exercice. Des créations de postes de mandataires libéraux se multiplient sans vision globale. De plus en plus de mesures sont confiées à des libéraux, très peu contrôlés, qui, pour certains, gèrent un nombre disproportionné de mesures. Le départ de salariés pour exercer en libéral, après que les associations les aient formés, entraine des difficultés dans le suivi des mesures.

Plutôt que d’alimenter un système libéral, porteur de risques pour les personnes protégées, et qui fragilise tout le secteur, nous demandons à l’Etat de réguler la situation avec des lignes directrices claires à l’adresse des directions départementales, régionales et en étroite relation avec les Juges.

Notre réseau a vraiment le souci que les personnes qui lui sont confiées soient bien prises en charge. Nous avons aussi à cœur de défendre les personnes protégées et les tuteurs familiaux face aux évolutions qui peuvent les fragiliser ou les exclure, comme la dématérialisation des services.

Le temps ne permet pas d’aborder les dossiers traités par l’Unaf avec d’autres ministères :

Monsieur le Ministre,

 Vous le savez : l’Unaf est exigeante, mais toujours dans la construction pour une politique publique conforme à l’intérêt des familles et des personnes vulnérables.

A l’ensemble des bénévoles et salariés, membres de notre institution qui se mobilisent chaque jour et partout en métropole et en Outre-mer, je leur dis MERCI.

A vous tous ici présents, qui les représentez, je vous dis un très grand MERCI.

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